[M-E 002] Lord > Behind the curtain of darkness

Lord (France) > Behind the curtain of darkness
1998, 4/6

Ce premier album de Lord est, stylistiquement parlant, assez typique de ce qui était à la mode dans les années post-Emperor. Soit un black metal où les claviers, à vocation atmosphérique ou pseudo-symphonique, prenaient une place de choix et participaient largement à des ambiances qui se voulaient belles et mélancoliques plutôt que haineuses et belliqueuses, ou bien un mélange des deux, plus ou moins réussi selon les formations. Il faut ajouter à cela ce qui avait éloigné bon nombre de formations des "modèles" ("climatiques" comme musicaux) norvégiens, c'est à dire un goût prononcé pour les bâtisses imposantes sentant les vieilles pierres et l'humidité, perdues dans un environnement brumeux, et ornant des visuels qui donnent un avant goût d'un contenu musical éclairé à la bougie et très "fantasmons sur un moyen-âge enchanté". Se plonger dans la cover bleutée du CD ou dans la musique de Lord devrait rappeler quelques sensations et quelques souvenirs à ceux qui avaient découvert Metallian et les doubles pages de pub Adipocere, Holy records, etc, à l'époque où ce disque est sorti...

Là, le lecteur obsédé par une certaine vision du black metal, le lecteur dont le groupe rend perpétuellement hommage à Emperor et à Immortal, le lecteur qui a découvert ce style avec Cradle of filth (ne me dites pas qu'on a tous commencé par là, moi j'ai commencé par "Spawned by evil" de Necrophobic), se dit que Behind the curtains of darkness est sans doute un bien bel album, un truc qui va lui plaire. Alors là je dis "halte!", ne nous méprenons pas. Il faut en effet savoir que cet album n'est pas une merveille indépassable du black metal. Si vous ne devez acheter que vingt disques de black metal dans votre vie, celui-ci ne fera pas partie de votre sélection. En revanche si vous voulez explorer le style de manière un peu exhaustive, vous ne pouvez pas passer à côté, surtout avec le recul, alors que ce style de black metal n'a plus tellement la côte et qu'on peine à (re?)trouver une formation vraiment "outstanding" dans le même créneau. Une autre cause de méprise possible, pour le lecteur opportuniste (celui dont je parle plus haut), c'est que les Lord ne sont pas, eux, opportunistes! C'est flagrant si l'on écoute le jeu des guitares, pas du tout limitées à épaissir le son comme c'est souvent le cas quand le metal se veut "atmosphérique" ou "original", mais enchaînant au contraire des riffs inspirés par une culture métallique tout à fait honnête. Autrement dit, pour une fois, tout l'intérêt de la galette ne réside pas dans les claviers. (Attention, ce n'est pas un album "à guitares" par excellence non plus). Mais alors ce sont les claviers qui sont légers? Non pas du tout. L'album présente au contraire une véritable complémentarité, joliment exploitée d'ailleurs, entre les guitares et les claviers. Le rendu de ces derniers surprend régulièrement par sa puissance émotionnelle, saisissante et parfois assaisonnée d'une pointe de fausse naïveté.