[CINOCHE] Massacre à la tronçonneuse (celui de 1974)

Massacre à la tronçonneuse (Ze Texus chaynseauw massakeuw an angliche) raconte la rencontre entre deux familles. La première famille est ordinaire, avec deux gonzesses qui gloussent et trois gars. La seconde est une famille criminelle qui travaille dans la viande depuis au moins trois générations et qui a manifestement subi une très sérieuse déformation professionnelle en même temps qu'une perte conséquente de neuronnes. Remarquez, ce serait un peu trop rapide d'affirmer qu'ils sont tarés. Si l'un des deux fils, surnommé "Face de cuivre" (Lézeuwfaysse an angliche), est pratiquement comme un animal bien qu'aucun animal ne manie la tronçonneuse comme lui, son frère semble avoir un QI nettement plus élevé puisqu'il est capable de sadisme et de moquerie. Et de parler. Quant au Papa, à mon sens c'est lui le personnage le plus subversif puisqu'il semble avoir une cervelle tout à fait normale et qu'il participe quand même. Leur truc c'est de traiter les êtres humains comme des animaux allant à l'abbatoir : un bon gros coup de masse pour tuer, puis découpe, mise au froid, et vraisemblablement consommation. Bon, il y a aussi un grand père et une grand mère dans la famille de tarés, mais ils sont morts et décomposés, en tout cas on le croit, jusqu'au moment où on se rend compte que le grand père est certes décomposé mais vivant. Effet garanti...

Comment les deux familles se sont-elles rencontrées ? Hé bien la famille normale a fait un déplacement pour voir si la tombe du grand père de Sally Hardesty (la seule qui survivra) n'a pas été profanée, car il y a eu plusieurs tombes profanées dans le coin. Charmant. Au passage, Sally et son frère en fauteuil roulant, Franklin, veulent revoir la maison de leur enfance abandonnée depuis des lustres. Un petit soucis d'essence (le destin en fait) les force à rester dans les parages plus longtemps que prévu, et c'est ainsi que le massacre peut commencer...

Le rythme et la progression dans l'horreur et dans les découvertes sont géniaux. Il y a ici une alternance bien dosée et nullement clichée entre de longues séquences qui font monter la pression et la peur, bourrées de détails sinistres ou incompréhensibles (comme le moteur qui tourne à vide près de la maison des tarés, la poule enfermée dans une cage à peine plus grosse qu'elle), et les poussées d'adrénaline de scènes violentes souvent soudaines, variées, et tout à fait regardables (on n'est pas dans le gore ultra sanguinolant) Bien sûr l'intensité monte vers la fin, mais il s'agit d'une longue fin pour un film si court. En fait, à partir du moment où les routes de Sally et de Leatherface se croisent, tout devient haletant et tendu, les rares instants de répis permettant tout juste à Sally de bien réaliser ce qui se passe autour d'elle.

Massacre à la tronçonneuse a par ailleurs bénéficié d'un traitement visuel et sonore très particulier et génial. La bande son est cauchemardesque à souhait, peuplée de bruits dérangeants et non identifiés, qui donnent l'impression que la marche normale du monde est une machine en train de dérailler, sans aucune raison, sans aucun sens. L'image est souvent mal exposée au début du film, et bizarrement cadrée tout le long. On dirait presque que la pellicule a été maltraitée, comme pour l'accorder à la bande son, et certains cadrages vraiment curieux restent dans les mémoires. Par exemple : le moment où l'auto-stoppeur monte dans le fourgon de la famille normale le tout étant filmé de très loin et le plus gros de l'image étant occupé par un ciel qui semble fondre sous une chaleur étouffante ; le moment où les deux premiers normaux arrivent devant la maison des tarés et où la fille est assise et n'occupe qu'un coin insolite de l'image ; les très gros plans sur un oeil (ou l'autre) de Sally quand elle est à table avec les tarés... il faut bien regarder tout le film pour se rendre compte que les cadrages vraiment spéciaux sont en fait très nombreux et participent largement au climat général de malaise. Celui-ci est encore renforcé par des éléments de décor macabres (squelettes d'animaux érigés en "oeuvres d'art" par exemple) disséminés tout le long du film, d'abord à la petite cuillère, puis par wagons de douze. Un film unique en son genre, capable de captiver le grand public et pas seulement les mordus d'horreur.