[P-B 002] The Kinks > Misfits

THE KINKS
“Misfits”
(Koch Records 2004)
Style: Classic Rock Pop



Bref rappel historique: trois groupes anglais ont incontestablement marqué la musique des sixties: les Beatles, les Rolling Stones et les Kinks. Si les deux premiers ont rapidement connu un succès international qui se perpétue encore actuellement, ce ne fut pas le cas du troisième, dont les chansons avaient pourtant tout pour séduire un très large public. Mais le problème avec les Kinks, c’est qu’ils pratiquaient une sorte d’humour british qui avait du mal à s’exporter, et qui par ailleurs n’était même pas très bien perçu dans leur propre pays, étant donné qu’ils s’attaquaient assez caricaturalement au style de vie de la société londonienne en en décrivant avec minutie tout ce qu’elle pouvait avoir de plus pittoresque: “Afternoon Tea”, “Victoria”, “Waterloo Sunset”, “Well respected Man”, “Dedicated Follower of Fashion”... autant de chansons dont les thèmes étaient sacrément éloignés des “Strawberry Fields Forever” et autres “Sergent Pepper’s Lonely Heart Club Band” de leurs concurrents de Liverpool. Et comme la tendance de l’époque virait plutôt à la béatitude Flower-Power et à l'élevage des chèvres, personne n’avait vraiment envie de se fatiguer la tête à décrypter les subtilités sociologiques dans les lyrics de ce quatuor urbain. Il aura fallu attendre la fin des seventies pour qu’un groupe de Hard Rock américain, en l’occurence Van Halen, reprenne “You Really Got Me”, pour qu’on se mette enfin à s’intéreser aux auteurs de ce standard au riff magique. A peu près au même moment, les punks the Jam reprenaient “David Watts” et les Pretenders balançaient leur version de “Stop Your Sobbing”, ce qui a permis aux Kinks de voir leur nom réapparaître au grand jour et de se remettre sur les rails pour poursuivre leur carrière avec un regain d’énergie.

Nous sommes donc en 1978, et tandis que les Stones font du disco, les Kinks, eux, font ce qu’ils ont toujours fait: du Kinks. C’est à dire des chansons parfaites, du genre facilement fredonnables sous la douche même sans connaître les paroles, juste en faisant La-la-la ou Hmm-hmm-hmm, et cet album foisonne généreusement de telles mélodies, toutes composées par Ray Davies, l’éternel leader du groupe, qui signe également tous les textes. Et là encore une fois il fait assez fort, allant jusqu’à écrire une chanson sur le rhume des foins (“Hay Fever”, très marrante) ou sur les coiffures (“Permanent Waves”, tout aussi sarcastique), mais il aborde aussi des sujets plus sérieux (“Black Messiah”, sur la religion et la liberté d’expression), et comme toujours assez socialement engagés (“Get up” qui invite les petites gens, les anonymes, les faibles, à se lever de leur fauteuil et faire bouger les choses), et le morceau qui donne son titre à l’album (“Misfits” = les inadaptés) est un véritable hymne humaniste à l’intention des losers les plus desespérés (“you’r a misfit, afraid of yourself, so you run away and hide, you’ve been a misfit all your life, but why don’t you join the crowd ans come inside... this is your chance, this is your time...”), et en pleine période Punk, le message n’avait rien de déplacé, sauf que les Kinks le faisaient passer d’une manière disons plus “adulte” que les agitateurs punkiformes. Le point culminant de cet album est sans aucun doute le morceau “Rock’n’Roll Fantasy” qui sous l’aspect d’une superbe ballade semi-accoustique, met en garde les accros à la musique, y compris les fans des Kinks, qui ont tendance à complètement se déconnecter de la vie réelle pour ne plus s’intéresser à autre chose qu’à leurs idoles, et c’est plutôt rare d’entendre ça. Ray Davies assure également la production de l’album, un son impéccablement aéré, tandis que son frère Dave s’illustre par ses habituelles parties de guitare aussi précises qu’effervescentes. Comme toute la discographie des Kinks, “Misfits” a bénéficié récemment d’une remastérisation en SACD Surround Sound, dont on ne peut qu’apprécier la qualité d’écoute sur son ordinateur. Avec l’apparent retour du printemps (quand le ciel devient du même bleu que la pochette), c’est le genre de CD qu’il n’est pas gênant de faire tourner plusieurs fois par jour, mine de rien.