KYMA Les chants du barillets

KYMA - Les chants du barillet

2005 - Rap engagé

Un put... d'album de rap français, beau reflet d'une époque qui est à l'exacerbation des tensions de classe. Et là de luttes des classes, il en est question dès l'intro, de manière un peu détournée certes... le rap comme flambeau ou leader de contestation, un peu comme tous les genres musicaux, moi j'y crois pas... mais comme vecteur de ce qui se passe, comme révélateur de l'état de la société dont il émane, évidemment, c'est le jackpot... comme outil de propagande, là j'applaudis... Alors les instrus sont vraiment pas mal, très souvent sombres et pesantes et par dessus, les lyrics font mouche: le capitalisme en prend plein la gueule et ça fait du bien. Après, c'est sûr, les limites du gauchisme sont aussi rapidement atteintes (désillusion menant au défaitisme petit-bourgeois, excitation et spontanéisme stérile)... et ça s'entend aussi dans les textes, qui sur le plan politique manquent parfois de rigueur... La révolution nécessite de l'organisation, de la rigueur mais on sent qu'il leur reste une ou deux étapes à franchir et ce sera la dévastation...
Et puis, de très beaux moments: le slam "les voiles de l'illusion" sur la condition féminine aux positions très justes, aux antipodes des féministes bourgeoises, des laïcards dogmatiques mais aussi des religieux... le poignant "ivre pour vivre" sur les dépendances aux drogues et qui fait chialer pour peu qu'on ait eu d'une manière ou d'une autre un lien à ça... il en est de même pour "le dernier espoir": se chercher longtemps est une déchirure et ça le rend bien...
Dans l'ensemble j'apprécie le lien que fait le groupe entre conditions d'existence et problèmes socio-économiques... intéressant de voir que le rap comme expression d'une partie de la jeunesse des quartiers populaires (je pense aussi à La Rumeur), après le rap politisé de manière anarchique et le rap commercial commence à se structurer autour d'une pensée plus sérieuse et que cela se construit en parallèle avec d'autres luttes économiques, sociales et politiques... (et là, je ne m'étendrais pas sur le hors-sujet)
Que cela soit l'annonce de quelque chose de gros, on en doute de moins en moins... et ce disque pourrait en être l'une des bandes-son...

Et musicalement ? j'ai déjà dit que les instrus et autres samples sont bien choisis, et mettent en place une ambiance à la fois sombre, désabusée et énergique... déterminée et sans illusions en quelque sorte... en même temps, le tout n'est pas trop chargé et ça reste basique... les rythmiques restent simples mais marquantes ce qu'il faut... le flow est vraiment bon, scandé de manière très équilibrée (mais c'est aussi la qualité des textes), ce qui me plaît particulièrement, avec le petit plus de hargne qu'il faut...

Enfin, rien à dire de plus, si ce n'est: "ceux qui vivent sont ceux qui luttent" et ça s'entend... et quand le metal a perdu depuis longtemps toute prétention au danger, y a qu'à voir les chevelus proprets et bien peignés sur les bancs d'une fac de droit, il restera toujours une expression de la révolte populaire chez certains franc-tireurs... manque plus que le lien aux masses...

maarnaden a écrit:et quand le metal a perdu depuis longtemps toute prétention au danger...

Il ne me semble pas que le Metal ait jamais eu la moindre prétention à un quelconque engagement politique (même s’il y a des groupes qui se nomment ridiculement Pain of Salvation, Misery Index, ou Earth Crisis) et à part porter un sticker “headbangers against Nazis” ou “sauvez les baleines”, les prises de positions des métalleux restent annecdotiques, mais ça me semble normal puisque cette musique est du domaine de la fuite et non pas de la lutte, et plus précisément une fuite vers l’imaginaire (fantastique, ésotérisme, paganisme, culture gore, science-fiction, monde médiéval et civilisations disparues...), activant davantage une démarche de catharsis (la fausse violence du Death et Black Metal, les thèmes récurents et sanglants du style serial-killers etc...), comme si inventer un univers fictif et parallèle était la seule alternative restante à l’invasion d’une réalité par trop insupportable.
Et en ce qui concerne le Rap, je n’ai rien contre ce style de poésie urbaine, mais celle-ci me semble tout à fait sclérosée par les stéréotypes qui la représentent médiatiquement, c’est à dire verrouillant d’emblée toute forme de communication (d’ailleurs les tags sur les murs sont par principe illisibles) Les mots résonnent à plein volume dans l’habitacle de grosses bagnoles à jantes alu, mais les gens alentours n’en retiennent que la nuisance sonore. On est ici proche d’une forme d’autisme social, ou du moins l’usage d’une langue à sens unique, dont la portée est restreinte aux guettos, ou ce qu'on appelle chez nous "les cités", un monde à part en quelque sorte...