terrorvision

TERRORVISION
“How to Make Friends and Influence People”
Total Vegas / EMI 1994
Style: Rock-indé / Grunge sophistiqué



Le “space-cake” qu’on peut trouver dans certains coffee-shops à Amsterdam n’a vraiment rien de comparable avec celui qu’avait confectionné la copine d’un de mes potes avec lequel j’étais allé aux Eurockéennes, je ne sais même plus en quelle année, c’est vous dire. On a bouffé la moitié du gateau avant de partir, le reste sur la route, et ce n’est qu’au moment de fouler la pelouse du site que j’ai commencé à décoller pour de bon. A partir de là, trou noir complet de trois jours, et mon seul souvenir se résume à cette phrase étrange: “Alice, what’s the matter ? Alice, what’s the matter ? Alice, what’s the matter ?” répétée sans arrêt par un grand binoclard chevelu. Il m’a fallu des années (Internet n’existait pas encore à ce moment-là, et j’ai dû passer au peigne fin des millions de magasins de disques) pour retrouver le nom du groupe qui jouait ce morceau, et l’album à la pochette faussement psychédélique dont il était tiré, un album sorti en 1994, année oh combien funeste pour le Grunge, puisque avec la disparition du chanteur de Nirvana, c’est le glas qui sonna pour tout le mouvement de Seatle et environs, dont les multiples extensions se situaient à plusieurs niveaux: il y avait les purs copieurs, et les autres. Terrorvision était de ceux-là, heureusement. Après “Formaldehyde”, un album très PearlJamesque, le quatuor californien a voulu mettre la barre sérieusement plus haut et prouver que “grunge” ne signifiait pas forcément jouer comme des sauvages en gerbant sur sa chemise à carreaux et en trouant son jeans au niveau des genoux avec les dents. En effet la plupart des morceaux de “How to Make Friends and Influence People” ont l’air d’avoir été composés plutôt par John Lennon que par Kurt Cobain, mais tout en restant furieusement Rock, limite Metal, avec des riffs balaises, des soli de wha-wha nickels, et un sens du groove à décoller le papier-peint. Donc “Alice What’s the Matter” ouvre l’album, et c’est un morceau que l’on n’oublie pas de sitôt, la preuve il est resté ancré dans ma mémoire malgré l’amnésie stupéfiante que je vous décrivais au début. Un morceau parfait donc, bon riff, bonne voix, tout est bon, et je ne parle même pas des lyrics (“...like a hot cup of coffee in a hot coffe cup”) contenant autant d’humour que de simple poésie bien rimée (“... something about hell, something about heaven, something about four, five, six, and seven”), c’est subtil mais je ne sais toujours pas de quelle Alice il est question ici, celle de Lewis Caroll, ou bien “Alice dans les villes” de Wim Wenders, ou “Alice n’habite plus ici”, un des premiers films de Martin Scorcese, que j’adore, ou bien est-ce tout simplement un clin d’oeil au groupe Alice In Chains ? Ou a Alice Cooper ? Mystère. Le reste de l’album ne contient aucun défaut et, du piano de “Oblivion” aux violons de “Middleman”, en passant par le riff carrément kyussien de “Stop the Bus”, le blues classieux de “Ten Shades of Grey”, ou la trompette Jazz dans “Pretend Best Friend”, il y a ici la preuve évidente qu’on peut foisonner de bonnes idées sans se retrouver enflé du melon. Tout à la fin, il y a un morceau caché bien flippant, une sorte de micro-trottoir dans les bas-fonds de Los Angeles, on y parle de cocaïne et de Jimi Hendrix, avec des vraies voix d’ivrognes. Des visions de terreur, des Terrorvisions donc, livrées ici en vrac. Le titre de l’album est par ailleurs très ironique et même un peu cynique, puisque ça ressemble à une définition du métier de Rock-star.