Misantrop' en fait trop !

MISANTHROPE
“IrréméDIABLE”
Holy Records 2008
Style: Misanthropical Metal



J’ai toujours eu un problème avec Misanthrope. Un problème qui s’apparente à de la consternation pure et qu’on peut résumer de la façon suivante: les lyrics de Misanthrope sont en français, et pourtant ils sont chantés de telle manière qu’on n’y pige quedalle, même en branchant un gros décodeur et en se collant les oreilles à une baffle. Alors la question qu’on peut légitimement se poser c’est: à quoi bon tout ça en français? Surtout pour un groupe (ou un chanteur plutôt) qui semble accorder tant d’importance à ses textes, soit-disant très intellectuels et véhiculant plus qu’un message, une pensée ! Mais là franchement si c’était chanté en bèrbère, en austro-hongrois ou en mélanésien, ce serait du pareil au même. Car ce qu’on entend au niveau verbal ressemble tout bonnemement aux éructations oesophagiennes de quelqu’un en train de vomir son petit déjeûner ainsi que son dîner de la veille, et qui voudrait par la même occasion imiter avec sa bouche le bruit que fait une très vieille 205 diesel au démarrage après avoir passé la moitié de l’hiver dans la rue. Ce pathétique imitateur de moteur de voiture en mauvais état se plait à se nommer S.A.S. De L’Argilière et se prend pour un grand chanteur de Metal, je veux bien le croire, mais de là à se vautrer ainsi dans la gerbation intégrale du contenu de son énorme estomac en y mélangeant au passage une sorte de biographie vite-faite de l’auteur des Fleurs du Mal, c’est un peu plus que du manque de sérieux. Même si l’on croit parfois reconnaître dans le miasme bouillonnant quelques mots échappés d’un vocabulaire à peu près civilisé, mots clichéesques au possible comme “infernal” ou “nevrose”, d’ailleurs très vite re-noyés dans le flot de vomi agité par le volume sonore, et même si une “voix claire” semble surgir d’on ne sait où pour gémir subitement on ne sait quoi, ce n’est pas pour autant que le sens de ce “concept-album” pourra sembler limpide à un auditeur lambda en bonne santé. Cela dit, le pauvre Baudelaire a dû être lui-même sujet à de nombreuses, aigües et puissantes crises de vomissements durant sa courte vie (1821 - 1867), sachant qu’il se prenait régulièrement des cuites monumentales au vin rouge avant de tremper la plume dans son encrier noir.

Pour en revenir à De L’Argilière, même le plus vulgaire rappeur français à casquette à l’envers sait mieux articuler ce qu’il a à dire que ce flatulent individu engoncé dans son costard de marquis du XVIII ème siècle qui, après nous avoir pompé l’air avec Molière pendant des années, à décidé maintenant de nous taper sur les nerfs grâce à un auteur tout aussi facilement récupérable, en l’occurence Charles Baudelaire, dont il y a la même photo noir et blanc du bonhomme sur la pochette que celle du dictionnaire Larousse, avec son regard sombre et sa vieille rage de dents, mais doté d’un effet infographique qui éparpille des taches de sang partout, allez une bonne giclée, ça c’est fait. Quant au titre de l’album, pour ceux qui ne sont pas fans de l’émission “des chiffres et des lettres” et qui n’auraient pas remarqué que le mot “Irrémédiable” se termine par “diable”, la fin du mot est en majuscules ! (DIABLE) ça c’est vraiment trop fort, c’est même formiDIABLE ! On tient ici sans doute le titre le plus “charradé” de l’histoire du Metal, on se demande même pourquoi l’album n’est pas pris en exemple par la revue Abricot (2 à 6 ans) dans la rubrique “le mot à trouver” (où se cache le diable ? dans irrémé-diable !), mais il y a sûrement des histoires de censure là-dessous. Après tout, c’est vrai que l’idendité sexuelle de ce libertin de L’Arguilière peut sembler suspecte, mais cela ne nous regarde pas. Tout ce qu’on peut en dire, c’est qu’il est sans aucun doute le chanteur le moins rock’n’roll de la planète, et qu'alors c’est déjà mal barré pour mettre un mec comme Baudelaire de son côté.

Bon, puisqu’on en arrive à parler musique, venons-en à celle qui justement sous ce nom-là se targue d’accompagner ces incompréhensibles et prouto-gastriques lyrics, et qui sans extrapoler s’apparente à un genre de Power-sympho-Thrash semi-bourrin à la sauce prog-death ultra-surproduit et sans grande originalité, qui ressemble comme deux gouttes d’eau à ce que font cent-cinquante mille groupes américains, allemands et scandinaves de la même catégorie, sauf que eux n’ont pas la prétention de vouloir vous parler de littérature classique niveau classe de troisième. Eux ils parlent plutôt de guerres futuristes, de bagarres à la hache et de pollution nucléaire et c’est très bien d’en rester là. C’est déjà assez ennuyeux comme ça cette musique, alors chez Misanthrope ça l‘est encore dix mille fois plus: servi à la grosse louche à soupe qui sent le lard et l’oignon, et sans la moindre imagination, ce métal hybride et bouffi témoigne d’une absence totale de spontanéité, de dynamisme sincère, et de ce magnétisme animal par lequel on reconnaît les groupes authentiquement géniaux, ceux qui vous renversent comme des quilles à la première écoute (exemple français: Solekhan) et qui n’ont pas besoin d’accumuler les stratagèmes poussifs pour faire “technique” (la basse jouée style par un prof de basse en pleine inspiration sous overdose de caféine), ni les efforts laborieux pour faire “grandiose” (les avalanches de claviers qui dégoulinent comme des coulis de chocolat sur une meringue grassement sucrée), ni les effets faciles de montée en puissance à l’approche du soit-disant refrain pour créer un "souffle épique" et faire croire à une belle continuité dans l’ensemble (mais oui c’est un quand même un concept-album), ni des excès de batterie enregistrée en “accoustique” dans un caisson.

Mais il faut bien le préciser, notre Sieur De Larguilière avait de longue date embobiné tellement de journalistes de Metallian et de hordes de jeunes boutonneux qui créaient leurs jolis webzines qu’il était devenu le roi du baratin, cela on ne peut le nier. J’avais d’ailleurs il y a un certain temps déjà eu l’occasion de lire une interview du personnage dans laquelle il déclarait être nostalgique de l’époque Thrash des eighties, et notamment des groupes allemands style Kreator. Le fait est qu’il y a une sacrée différence entre le nerveux leader de Kreator et ce petit gros chanteur rondouillard tout transpirant dans son costume de marquis de carabosse, et dont le regard fourbe se dissimule continuellement sous une affreuse paire de lunettes de soleil digne de celles qui font le succès publicitaire de Johnny Halliday. Mais ce qui me gène le plus à vrai dire c’est que Misanthrope est sans cesse présenté comme une sorte de “fer de lance” du Metal français et qu’absolument personne n’ose remettre un tel statut en question. Des éloges tarissent ainsi de partout, et le groupe se boursouffle de compliments au fur et à mesure qu’il vieillit, ce qui me semble friser la supercherie. Soit disant que Misanthrope serait génial et immortel, un genre de slogan perpétuellement réimprimé qui flashe bien sur les couvertures de mags à deux balles, mais honnètement les mecs qui écrivent ça sont des gens qui ont subi une ablation des tympans, des trompes d’Eustache, des limaçons, des urticules, des saccules et des cellules mastoïdiennes. Ils feraient mieux d’écrire que Misanthrope est au Metal français ce que Carla Bruni est au Rock Indé, à savoir: une bonne blague.

Pour en revenir à Baudelaire, il faut quand même signaler que c’est drôlement facile de s’attaquer à ce type de sujet-concept, sachant que la majorité des gens ont très vite collé l’étiquette “poète maudit” sur ce nom et ne vont pas chercher plus loin, tout le reste n’est que redondance facilement surplombable par un lourdeau de Metal-band. Mais essayez voir de vous en prendre à d’autres pointures: Apollinaire, Mallarmé, Artaud, Breton, Daumal, Vaché, Michaux... des auteurs qui peuvent vous en envoyer en pleine face des mots qui tuent avant même que vous ne vous soyez rendus compte de ce qui se passe, et dont la vie n’a pas été rose non plus, mais sur leur cas Misanthrope n’a sûrement pas trop envie de se pencher, ça ne serait pas fiable commercialement, bien sûr, mieux vaut se cantonner du côté sécurisé des poncifs où on ne risque absolument rien, il suffit de rajouter trois couches de vernis là où c’est facile, et activer le processus de vomissement des lyrics au milieu des grasses guitares sauce béchamel. Et tant qu’on se cantonnera d’une manière presque “établie” à ce style de récupération littéraire par le Métal, il n’y aura guère de surprises et tout le monde restera bien docilement parqué dans l’enclos à boeufs de la médiocrité bien-pensante, et les albums de Misanthrope se vendront à la pelle dans les rayons de la Fnac à la lettre M juste après Machine Head, Manowar, et Metallica, comme un truc programmé à l’avance pour qu’on n’ait pas beaucoup de chemin à faire, suffit de suivre la file et de passer à la caisse, avant d’aller en troupeau retrouver la chaleur de l’étable. La vie est ailleurs, comme disait Rimbaud.

J'aimerais bien savoir si une critique aussi méchante pourrait être publiée telle quelle dans une revue littéraire ou dans un bouquin de critique, ou si elle serait censurée.

(Je précise que je n'ai aucune idée de la réponse)

Tu vas jusqu'à attaquer SAS sur son physique et il me semble que ça ne se fait pas trop sur les sites metal, voire sur le web en général.

ben moi j'ai bien aimé l'album, enfin je l'ai écouté une fois mais c'est le disque que j'ai le plus aimé depuis 1666...Theatre Bizarre (à l'époque j'étais fan jusqu'à ce que je les vois en concert sur la tournée Visionnaire, j'avais pô aimé mais vraiment pô)

Cardinal-Sin a écrit:ben moi j'ai bien aimé l'album, enfin je l'ai écouté une fois mais c'est le disque que j'ai le plus aimé depuis 1666...Theatre Bizarre (à l'époque j'étais fan jusqu'à ce que je les vois en concert sur la tournée Visionnaire, j'avais pô aimé mais vraiment pô)

Qu'est-ce qui t'avait déplu? Le rendu de la musique en concert, l'attitude du groupe, ou autre chose?

Clark_Gabal a écrit:
Qu'est-ce qui t'avait déplu? Le rendu de la musique en concert, l'attitude du groupe, ou autre chose?

oui je pense l'attitude surtout, le coup du champagne tout ça... techniquement ça allait mais j'ai pas été conquis par le rendu sur scene, je pense depuis que c'est surtout un groupe studio.