[P-B 002] L.O.T.N.C. > The antology

THE LORDS OF THE NEW CHURCH
“The Antology”
Remedy 2000
Style: Gothic-Rock



Avec un nom qui pourrait être celui d’une secte pas très catholique, les “seigneurs de la nouvelle église”, ont traversé les eighties comme un vol de chauve-souris, en pondant dans la pénombre humide des catacombes autant d’albums que de singles corrosifs qui, une paire de décénies plus tard, n’ont rien perdu de leur puissance obscure et de leur immense qualité. Cette anthologie parue au début du nouveau millénaire regroupe les meilleurs morceaux enregistrés de 1982 à 1986 par cet ultra-groupe au line-up impressionnant: Stiv Bators (ex Dead Boys) au chant, Brian James (ex-Damned) à la guitare, Dave Tregunna (ex Sham 69) à la basse, et Nick Turner (ex Raincoats/Barracudas) à la batterie, autrement dit les plus talentueux survivants des meilleurs groupes Punk de la première génération, qui à la manière de mercenaires sans foi ni loi se sont recyclé dans la new-wave juste parce qu’il n’y avait rien de mieux à faire à cette époque-là et que ça pouvait être rentable. Mais pas n’importe quelle new-wave, pas celle des tubes à néons blèmes qui scintillaient dans la froideur bleutée des discothèques d’Angleterre, ni celle des avalanches de synthétiseurs qui cryogénisaient les foules robotiques aux coiffures sculptées dans le marbre. Non, les Lords of the New Church avaient gardé sous le coude une bonne dose de cette furie décadente qui suintait dans l’atmosphère des clubs New-Yorkais à la fin des seventies et que le basique ensemble guitare/basse/batterie + chant suffisait à propulser dans l’atmosphère comme un missile Tomahawk. Ainsi dès le premier titre “Russian Roulette”, le ton est donné, basse lugubre et guitare flemmarde, un son à la Cure des débuts, en plus noir. La voix de Stiv Bators n’a pas le pathos de Robert Smith, mais plutôt une sorte d’ironie teigneuse qui dérive parfois vers un desespoir du fond des tripes, du genre inconsolable mais diluable dans tout ce qui peut ressembler à de l’héroïne. “When Blood Runs Cold”, “Method to my Madness”, “Question of Temperature”... les titres sont tous chargés de cette atmosphère mi-glauque mi-crépusculaire, qui vous donne l’impression d’avoir été invité au bal des squelettes dans un cimetière enneigé. La danse est d’ailleurs un thème récurent dans plusieurs chansons, et l’on sent que ce n’est pas forcément une activité très plaisante, plutôt une sorte de fatalité physique, le mouvement des corps à la dérive qui se cognent plus qu’ils ne se touchent. Ne restent alors que l’amertume (“I Never Believed”, Johnny Too Bad”, “I’m Not Runnin’Hard Enough”), le cynisme (“Little Boys Play With Dolls”, “Eat Yout Heart Out”) ou la dérision (la reprise de “Like a Virgin” de Madona, dont on ne sait pas trop s’il faut en rire ou en pleurer), le tout agrémenté d’une scénographie de boutique d’accessoires pour Halloween et d’accoutrements similaires qui ne déparaient guère à une époque où presque tout le monde se prenait pour le fils de Dracula. Epoque étrange et sans lendemains, qui a vu naître et mourir des groupes aussi dérisoires que brillants, dont les oeuvres s’écoutent toujours avec une sorte de malaise comme celui qu’on ressent lorsqu’on évoque des souvenirs où interviennent des personnes disparues trop tôt. Stiv Bators s’est fait renverser par une bagnole en été 1990 et enterrer dans le silence éternel du Père-Lachaise.